Journalism matters à Saint-Sauveur

Article : Journalism matters à Saint-Sauveur
Crédit:
18 novembre 2012

Journalism matters à Saint-Sauveur

Parce que mes grands-parents habitent tout près, la ville de Saint-Sauveur tombait assez bien pour accueillir le congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Trois jours de discussions, d’ateliers, de remises de prix, bref, trois jours d’échange entre journalistes et non-journalistes (merci aux organisateurs d’avoir invité des externes) sur ce que devrait être la «littérature à la hâte». J’en suis ressorti avec un amour renouvelé pour mon futur métier et les excellents sandwichs pas de croûtes de Mamie Pierrette.

L’affiche du congrès: «La liberté guidant le peuple» (ou presque) de Delacroix

Il y avait tout le monde. J’ai discuté avec le «camarade» Saulnier, Monique Dumont d’Enquête, Jacques Nadeau le photographe, le chroniqueur Yves Boisvert que j’adore même si je ne suis pas toujours d’accord avec lui, le retraité Pierre Vennat qui parle fort et tant mieux. Pierre Foglia, mon gourou, n’était pas là évidemment. Il connaît déjà la réponse à la question posée hier : «Comment rester crédible dans un monde polarisé ?»

Encore plus qu’avant, la question des opinions obsède les journalistes d’aujourd’hui, en cette drôle d’époque où le reste du monde s’exprime partout – sur Twitter, etc. – alors qu’il est dit, bien sûr, que le journaliste doit rester objectif, impartial, neutre, tous des mots qui reviennent à la même chose : cachez ces opinions que nous ne saurions voir.

Vous comprenez que je trouve ça con : un métier presque synonyme de liberté d’expression qui, en même temps, proscrit absolument d’afficher ses opinions.

Mais la crédibilité, dit-on…

Pierre Tourangeau, ombudsman de la télé d’état, a bien résumé l’affaire en réponse au dernier atelier de la journée intitulé Où tracer la ligne ? : «C’est juste une question de crédibilité», dit-il. En effet, si tu t’affiches trop d’un bord ou de l’autre, tu risques de perdre la moitié de ton public, peut-être plus, à moins que tes lecteurs aient déjà la même opinion que toi, dans ce cas, aussi bien ne rien écrire et se flatter entre amis.

Mais je crois que trop est le mot-clé ici.

Selon une étude récente citée par un intervenant externe devant une salle comble, 49% des Québécois pensent que les médias ne sont pas indépendants du pouvoir politique ; 81% pensent qu’ils ne sont pas indépendants du pouvoir de l’argent. C’est beaucoup, mais d’après moi, c’est tant mieux, parce qu’ils n’ont pas tout à fait tord. Pas que les médias fassent dans la propagande constante, mais qu’«ils frappent quand ça compte», comme me le confiait plus tôt cette semaine Pierre Dubuc, rédacteur-en-chef de L’Aut’ Journal.

Les reporters (pas seulement les chroniqueurs) ne devraient-ils pas plutôt afficher leurs partis pris très ouvertement, en plein dans leurs articles, pour plus de transparence ?

Je le crois.

Je sais, on répondra que les gens ont aussi besoin de faits tout court pour se faire leur propre opinion. Je ne dis pas le contraire. Le rôle du journaliste est de «répondre aux questions que les gens se posent», dit Pierre Tourangeau. En gros, c’est ça : éclairer. Ouvrir la lumière en bon Québécois. Après ça, le public verra bien ce qu’il veut.

Mais justement, et ce que j’essaie de dire, peut-être, c’est qu’un fait n’est jamais «tout court», qu’il dépend toujours de quelque chose d’autre : l’éclairage justement.

Quelle couleur, quelle intensité?

Oui, il y a la crédibilité, mais la crédibilité, c’est aussi la transparence non? Il y avait hier un atelier intitulé «Gouvernement ouvert?». Tous les journalistes se plaignaient que la Loi sur l’accès à l’information n’avait pas assez de dents, que les gouvernements n’étaient pas suffisamment transparents. Et le «journalisme ouvert», lui, n’est-il pas souhaitable?

Ah ! et puis, je vous laisse avec une traduction-maison de Hunter S. Thompson :

«Certains diront que des mots comme ordure et pourri n’ont pas leur place dans le Journalisme Objectif – ce qui est vrai, mais ils se trompent de débat. Ce sont les angles morts intrinsèques des règles et du dogme d’Objectivité qui ont permis à Nixon de se glisser jusqu’à la Maison Blanche en premier lieu. Il avait l’air tellement parfait sur papier qu’il était presque raisonnable de voter pour lui sur description. Il semblait tellement all-American, tellement comme Horatio Alger, qu’il a été capable de se faufiler à travers les craques du Journalisme Objectif. Il fallait se faire Subjectif pour voir Nixon clairement, et le choc de la découverte était souvent douloureux.»

Journalism matters, oui.

Mais peut-être que le rédacteur-en-chef du journal étudiant de l’Université du Montréal a eu raison de venir au micro pour affirmer que «rester neutre, c’est prendre position».

Étiquettes
Partagez

Commentaires

serge
Répondre

tu poses tout le problème - éthique - du journalisme. en fait, les blogs assument leur caractère "partisan", et c'est tanti mieux. et non pas d'informer... puis que même la dite impartialité est un positionnement masqué...

Nicolas Dagenais
Répondre

Salut le Brésil! Oui, même s'il y a bien des journalistes au Québec pour penser qu'un blogue n'est pas... du journalisme. Pourtant, lisons bien attentivement n'importe quel article de leurs journaux et nous saurons presque l'opinion politique, esthétique ou même la condition socio-économique de tel ou tel journaliste. Simplement tenter l'impartialité, ne serait-ce pas souvent aller dans le sens des grosses machines de relations publiques? Moi, je suis pour la rigueur ou l'intégrité, mais ça prend du temps que la plupart des journalistes n'ont pas. Certains l'ont, n'en profitent même pas...