Et moi, et moi, et moi…

Article : Et moi, et moi, et moi…
Crédit:
5 mars 2013

Et moi, et moi, et moi…

Après six mois à écrire sur Mondoblog et près d’un an à publier régulièrement mes écrits sur différentes plates-formes, et surtout à la veille d’un changement de lieu (je déménage à Berlin demain), il me semble qu’une auto-critique, une confession, une vraie, pas comme celle de Rousseau mais sévère, comme celle de Saint-Augustin, s’impose.

Alors, par où commencer?

Allons-y d’abord avec un constat personne l: je trouve Montréal Anyways moins bon que mes deux blogues précédents (Les Enfants de Marx et de Coca-Cola et Un Enfant de Marx et de Coca-Cola). Le premier était un blogue sur l’éducation,un sujet que je ne connaissais à l’époque presque pas, et le deuxième était, en gros, le journal intime d’un été à Berlin qui n’était peut-être intéressant que par son honnêteté et rien d’autre. Mais justement parce que, par manque d’assurance, je gardais tout ça pour moi – c’est-à-dire que même si je publiais des articles, je ne m’arrangeais pas pour qu’on les lise, et même mes amis sauf quelques-uns – j’écrivais sans aucun compromis, et certains de ceux qui les lisaient m’ont dit être accros à Un Enfant de Marx et de Coca-Cola, dont je suis très fier.

J’écrivais sur rien, vraiment, sur ce qui m’intéressait au moment précis où j’avais envie d’écrire, exactement comme le disait Moodymann, le DJ:

«Je ne vais pas jouer les chansons les plus “hot“ dans le monde, mais ce que je vais faire, c’est de vous donner la vérité sur ces tables tournantes. Ce que je vais faire c’est de partager mon environnement et ce qui se passe à Détroit.»

Et puis, voilà, c’était sincère et je crois que c’était bon. Mais invendable, évidemment.

Avec Montréal Anyways, j’ai tenté de faire quelque chose de plus «vendable», quelque chose qui puisse intéresser n’importe qui, pas seulement les gens qui me connaissent.

Donc, j’ai eu cette idée, assez brillante: Montréal Anyways, «sur les traces de Leonard Cohen». Ça aurait été intéressant, je crois. Je crois même que j’aurais pu en faire un livre. J’avais fait une liste d’une quarantaine de sujets, tous liés à Leonard Cohen. Mais non. J’ai écris un premier article sur lui, et puis, je me suis dit: mais c’est beaucoup trop de boulot!

Premier péché: la paresse…

C’est con parce que mon article le plus pertinent, sur Mondoblog, a dû être celui que j’ai écrit en marge des deux concerts de Leonard Cohen à Montréal en novembre dernier.

C’était un sujet à l’ordre du jour, qui intéressait un assez grand nombre de personne (ils étaient près de 40.000 à le voir seulement à Montréal), mon angle était original (le public de Leonard Cohen) et j’ai certainement pondu un des meilleurs articles possibles sur ce sujet-là. Et, avec cet article, j’ai gagné au moins un fan: Serge. Génial non?

Mais je prévoyais le coup. Je me suis déplacé. J’ai eu froid. Je ne fais pas ça souvent.

Mais bon, admettons qu’on me pardonne ma paresse et qu’on se dise qu’«au moins, j’écris pas mal», j’ai encore un autre péché: je suis absolument très mauvais pour «marketer» mon produit.

Je n’ai jamais vraiment fait d’argent avec le journalisme et j’ignore si j’en ferai un jour, mais même bénévolement, je ne suis pas lu. Je ne sais pas combien vous êtes à lire Montréal Anyways, mais quoi… 5? 10? Pas plus j’en suis sûr. Je sais que mon père le lit. Même pas ma mère. Manon sûrement. Serge. Boubacar peut-être. J’ai aussi une nouvelle fan depuis mon article sur la Saint-Valentin: Danielle. Alors c’est ça, ça fait environ 5: certains membres de ma famille, certains amis, et quelques autres Mondoblogueurs.

J’avoue que ça fait «pauvre petit Nicolas, personne ne le lit», mais non, en fait, je n’ai fait aucune, mais aucune promotion de Montréal Anyways. Je ne sais pas comment. Twitter ça me fait chier. Je déteste ça. Et puis, si on vous lit, ça veut aussi dire qu’on vous critique… J’avoue que j’accepte difficilement l’échec, la critique. Mais je m’améliore.

J’avais une tribune d’opinion sur le site internet de La Presse. J’écrivais à propos de politique, sur des sujets controversés, toujours dans le style polémiste. Je sais que là, ils étaient au moins 500 à me lire (comme à l’époque de 4MTL) et un de mes textes a été lu par exactement 4 889 personnes, peut-être pas très attentivement, mais quand même.

Ça s’appelait: «Des “communiste péquistes“ à Radio-Canada?»

Bien sûr, le titre était accrocheur. Et le sujet, à l’époque, était chaud: un journaliste québécois venait de passer en politique et il était accusé d’avoir été un journaliste «militant». Bien que je n’aie même pas eu à me déplacer pour l’écrire (j’étais à Berlin), c’était un de mes meilleurs textes, évidemment puisque le sujet me passionnait. Bien construit, provocateur, avec un bon mélange – je trouve – de common sense et d’expertise (j’ai déniché une vieille conférence de Pierre Vennat, journaliste légendaire à La Presse, pour appuyer mon point), avec une prise de position sincère (les journalistes devraient être engagés et, surtout, intègres) et simplement, je crois, assez divertissant.

Je savais que certains laissaient des commentaires sous mes textes, mais j’avoue que j’avais trop le trac pour les lire. Je les ai lus aujourd’hui. Les 13. Voici ce qu’on m’a dit:

  • «Vous êtes bien naïfs» (de la part d’un monsieur de droite),
  • «M. Dagenais devra trouver de meilleurs arguments pour faire valoir ses dires» (de la part d’un monsieur de gauche),
  • «Les gens comme Mario Dumont et Nicolas Dagenais se font donc les courroies de transmission (involontaire?) des attaques de Harper contre Radio-Canada.» (Si vous saviez qui était Mario Dumont! C’est un peu le Jean-Marie Le Pen du Québec),
  • «M. Dagenais serait-il, encore une fois, pour toutes les magouilles , les corruptions et les collusions du PLQ afin de remettre au pouvoir, pour un quatrième mandat,un parti qui doit sortir avant le conclusion de la Commission Charbonneau ?» (Celui-là me trompait pour un partisan du Parti Libéral du Québec. S’il savait!)

Il y a eu d’autres commentaires, la plupart fort intéressants, mais je remarque surtout que, sur 13, un seul lecteur semble avoir compris réellement ce que je voulais dire:

«M. Dagenais, si je comprends bien vous nous dites que le professionnalisme n’existe pas dans le monde journalistique. Est-ce votre façon d’envisager votre future carrière? Donc, l’objectivité n’existe pas? Qu’en pense vos futurs collègues?»

Donc, je ne suis pas assez clair. Voilà peut-être un autre problème. C’est mon côté artiste.

Et puis, il y a une dernière chose qui me tracasse: j’ai l’air de m’intéresser à tout, mais en fait, je ne m’intéresse pas nécessairement à ce dont je parle, mais à ce que j’y vois, moi, derrière. Quand je parle de journalisme, c’est pour parler de vérité. Quand je parle d’amour, c’est pour parler de sens. Quand je parle de mes grands-parents, c’est pour parler de la mort (malheureusement). Quand je parle d’art, de voyage, c’est pour parler d’ennui. Quand je parle de Montréal, c’est pour parler de moi. De moi dans Montréal. De Montréal dans moi. En fait, Montréal Anyways, c’est un blogue sur moi. Moi, moi, moi…

Une amie, aussi journaliste, m’a déjà reproché de n’écrire que sur ce qui m’intéresse, d’être égoïste, de ne penser qu’à moi, et même dans la vie. Elle avait peut-être raison.

Mais en fait, j’en suis plutôt fier. Parce que c’est, au fond, le sujet que je connais le mieux. Le seul que je pourrai jamais connaître? Enfin, je crois que je le connais…. peut-être pas.

Mais je vous promets une chose: vous, quand vous me lisez, vous me connaissez vraiment.

Qu’est-ce qu’il disait Hemingway?

«You belong to me and all Paris belongs to me and I belong to this notebook and this pencil.»

Étiquettes
Partagez

Commentaires

bouba68
Répondre

Avec un tel article, on decouvre que le journalisme c'est aussi un art. Savoir écrire pour plaire au lecteur, le conquerir. Et puis, c'est noble de s'arrêter un instant pour realiser le chemin parcouru. Comme vient de le faire Nicolas...

Serge
Répondre

ah, tu l'as déjà dit toi même, je suis fan... donc suspect!
j'ai quand même remarqué que tu n'étais pas tès actif sur les réseau sociaux surtout twitter. mais par ta plume, je te considère comme l'un des meilleurs aux côté de Ngimbis et Sneiba (ma petite amie dit qu'il a tort de se sous-estimer).
J'ai été frappé par certaines choses qu'on avait en commun comme la passion pour E. Hemmigway (le plus grand écrivain du siècle) et je pense que je pourai toujours apprendre quelque chose sur ton blog. mais ta copine a raison, pense à tes lecteurs, simplifie les choses pour eux... :) que c'est dure de te suivre parfois.

p.s: Ah, que chance d'aller à Berlin... je ne changerai le Brésil que pour Berlin et Londres

Danielle Ibohn
Répondre

Donc Serge, je ne suis pas une de tes pref...eh ben! Désillusion manifeste hihihi. Ah! Nà tilà hihihi

serge
Répondre

ohohoho, Dani, moi qui apprend même le Douala à cause de toi... lol

Danielle Ibohn
Répondre

Je suis passée par hasard :-) hihihi Bien évidement que non!
Allez, fan numéro 5 en poste hihihi
Au plaisir de te lire...

Stéphane Huët
Répondre

Ton questionnement sur l'égoïsme nous concerne tous, blogueurs, mondoblogueurs. Aphtal abordait ce sujet dans « C’est moi la star ». Évidemment, on parle beaucoup de nous, notre environnement, nos passions. Mais c’est ce qui est intéressant, je pense. N’est-ce pas là AUSSI l’intérêt du blog ? Et comme Serge le dit dans « Les spécialistes du monde », il y a un côté authentique dans nos billets.
Keep it up Nicolas!

Nicolas Dagenais
Répondre

Salut Stéphane, désolé d'avoir pris du temps à te répondre. J'étais en déménagement vers Berlin comme tu peux le lire dans mon nouvel article. J'ai seulement lu le début de ton texte «Notre contribution à l’information» pour des raisons qui me regardent, mais je tiens à affirmer mon désaccord. Je trouve tout à fait cons les journalistes qui risquent leur vie pour pratiquer leur métier. Cons. Kapuściński ne risquait pas sa vie. Il faisait semblant pour donner une crédibilité supplémentaire à ses textes et c'est un procédé tout à fait respectable. Mais de risquer sa vie pour vrai, tu rigoles... Sans vouloir te vexer, j'aime beaucoup mieux le texte de Aphtal et sa finale lorsqu'il écrit : «J’ai dit !». Moi j'écris et je lis pour le plaisir, rien d'autre. Simplement j'ai comme valeur personnelle de ne pas prendre les autres pour des cons, et je préfère leur avouer tout de suite: je ne vais rien vous apprendre, mais je vais vous divertir. C'est comme le blogue «Génération Berlin». Je le sais puisque c'est ma coloc à Berlin. C'est tout faux. Pourtant c'est un des plus populaires du Mondoblog. La question qui m'importe est moins: qu'est-ce que la vérité? que: pourquoi la disons-nous? Pour faire de l'argent? Pour passer un message? Par ennui? Moi c'est par ennui que je dis «la vérité» et pour désennuyer des autres. Je te rappelle les trois dernières strophes de l'intro des Fleurs du Mal de Baudelaire: le poème «Au Lecteur». Et ce texte (en allemand) de Hermann Hesse sur le «eigensinn» qu'on traduit habituellement en français par «obstination», mais dont la traduction la plus juste serait le «sens de soi»: https://invivo-invivo.blogspot.de/2008/01/hermann-hesse-ber-eigensinn.html. Je te rappelle que le mot «sens» (qui vient de l'allemand «sinn» via le Francique) vient selon Pokorny de l'indo-européen «sent-» qui aurait signifié «aller», «envoyer», «choisir une direction» d'où le mot français «sens» dans le sens de «direction». La vérité, c'est finalement une question de sens. La question: «Où vais-je?» n'est pas égoïste. C'est peut-être la seule qui ne l'est pas.

J'ai dit.

Serge
Répondre

en tout cas moi je ne cherche pas l'information sur les sites, je ne m'attend pas non plus à lire la vérité. A dire vrai je passe trop de temps à voir le foot.
Mais, les blogs pour moi, c'est une façon de me faire une liste d'interlocuteurs... c'est vrai que parfois on est déçu mais on au moins je sens du vécu dans les textes. les gens n'ont pas un rapport sujet/object avec les faits.

bon séjour à Berlin... est-ce possible pour toi?

Nicolas Dagenais
Répondre

C'est bien ça le foot. Moi c'est le hockey. Ça me détend. Tu vois, on regarde un match, et si l'arbitre siffle une pénalité pour notre équipe, il a toujours tord, même s'il a raison. Où est la vérité? Dans les règles, dans l'arbitre ou dans le partisan. Les trois réponses non? Ou aucune des trois?

nathyk
Répondre

Avec moi, cela fait une fan de plus ! Contente de decouvrir ton blog ! Je file vers tes archives. Bon demenagement :)

diallo
Répondre

une nouvel arrivante nicolas