Et moi, et moi, et moi…
Après six mois à écrire sur Mondoblog et près d’un an à publier régulièrement mes écrits sur différentes plates-formes, et surtout à la veille d’un changement de lieu (je déménage à Berlin demain), il me semble qu’une auto-critique, une confession, une vraie, pas comme celle de Rousseau mais sévère, comme celle de Saint-Augustin, s’impose.
Alors, par où commencer?
Allons-y d’abord avec un constat personne l: je trouve Montréal Anyways moins bon que mes deux blogues précédents (Les Enfants de Marx et de Coca-Cola et Un Enfant de Marx et de Coca-Cola). Le premier était un blogue sur l’éducation,un sujet que je ne connaissais à l’époque presque pas, et le deuxième était, en gros, le journal intime d’un été à Berlin qui n’était peut-être intéressant que par son honnêteté et rien d’autre. Mais justement parce que, par manque d’assurance, je gardais tout ça pour moi – c’est-à-dire que même si je publiais des articles, je ne m’arrangeais pas pour qu’on les lise, et même mes amis sauf quelques-uns – j’écrivais sans aucun compromis, et certains de ceux qui les lisaient m’ont dit être accros à Un Enfant de Marx et de Coca-Cola, dont je suis très fier.
J’écrivais sur rien, vraiment, sur ce qui m’intéressait au moment précis où j’avais envie d’écrire, exactement comme le disait Moodymann, le DJ:
«Je ne vais pas jouer les chansons les plus “hot“ dans le monde, mais ce que je vais faire, c’est de vous donner la vérité sur ces tables tournantes. Ce que je vais faire c’est de partager mon environnement et ce qui se passe à Détroit.»
Et puis, voilà, c’était sincère et je crois que c’était bon. Mais invendable, évidemment.
Avec Montréal Anyways, j’ai tenté de faire quelque chose de plus «vendable», quelque chose qui puisse intéresser n’importe qui, pas seulement les gens qui me connaissent.
Donc, j’ai eu cette idée, assez brillante: Montréal Anyways, «sur les traces de Leonard Cohen». Ça aurait été intéressant, je crois. Je crois même que j’aurais pu en faire un livre. J’avais fait une liste d’une quarantaine de sujets, tous liés à Leonard Cohen. Mais non. J’ai écris un premier article sur lui, et puis, je me suis dit: mais c’est beaucoup trop de boulot!
Premier péché: la paresse…
C’est con parce que mon article le plus pertinent, sur Mondoblog, a dû être celui que j’ai écrit en marge des deux concerts de Leonard Cohen à Montréal en novembre dernier.
C’était un sujet à l’ordre du jour, qui intéressait un assez grand nombre de personne (ils étaient près de 40.000 à le voir seulement à Montréal), mon angle était original (le public de Leonard Cohen) et j’ai certainement pondu un des meilleurs articles possibles sur ce sujet-là. Et, avec cet article, j’ai gagné au moins un fan: Serge. Génial non?
Mais je prévoyais le coup. Je me suis déplacé. J’ai eu froid. Je ne fais pas ça souvent.
Mais bon, admettons qu’on me pardonne ma paresse et qu’on se dise qu’«au moins, j’écris pas mal», j’ai encore un autre péché: je suis absolument très mauvais pour «marketer» mon produit.
Je n’ai jamais vraiment fait d’argent avec le journalisme et j’ignore si j’en ferai un jour, mais même bénévolement, je ne suis pas lu. Je ne sais pas combien vous êtes à lire Montréal Anyways, mais quoi… 5? 10? Pas plus j’en suis sûr. Je sais que mon père le lit. Même pas ma mère. Manon sûrement. Serge. Boubacar peut-être. J’ai aussi une nouvelle fan depuis mon article sur la Saint-Valentin: Danielle. Alors c’est ça, ça fait environ 5: certains membres de ma famille, certains amis, et quelques autres Mondoblogueurs.
J’avoue que ça fait «pauvre petit Nicolas, personne ne le lit», mais non, en fait, je n’ai fait aucune, mais aucune promotion de Montréal Anyways. Je ne sais pas comment. Twitter ça me fait chier. Je déteste ça. Et puis, si on vous lit, ça veut aussi dire qu’on vous critique… J’avoue que j’accepte difficilement l’échec, la critique. Mais je m’améliore.
J’avais une tribune d’opinion sur le site internet de La Presse. J’écrivais à propos de politique, sur des sujets controversés, toujours dans le style polémiste. Je sais que là, ils étaient au moins 500 à me lire (comme à l’époque de 4MTL) et un de mes textes a été lu par exactement 4 889 personnes, peut-être pas très attentivement, mais quand même.
Ça s’appelait: «Des “communiste péquistes“ à Radio-Canada?»
Bien sûr, le titre était accrocheur. Et le sujet, à l’époque, était chaud: un journaliste québécois venait de passer en politique et il était accusé d’avoir été un journaliste «militant». Bien que je n’aie même pas eu à me déplacer pour l’écrire (j’étais à Berlin), c’était un de mes meilleurs textes, évidemment puisque le sujet me passionnait. Bien construit, provocateur, avec un bon mélange – je trouve – de common sense et d’expertise (j’ai déniché une vieille conférence de Pierre Vennat, journaliste légendaire à La Presse, pour appuyer mon point), avec une prise de position sincère (les journalistes devraient être engagés et, surtout, intègres) et simplement, je crois, assez divertissant.
Je savais que certains laissaient des commentaires sous mes textes, mais j’avoue que j’avais trop le trac pour les lire. Je les ai lus aujourd’hui. Les 13. Voici ce qu’on m’a dit:
- «Vous êtes bien naïfs» (de la part d’un monsieur de droite),
- «M. Dagenais devra trouver de meilleurs arguments pour faire valoir ses dires» (de la part d’un monsieur de gauche),
- «Les gens comme Mario Dumont et Nicolas Dagenais se font donc les courroies de transmission (involontaire?) des attaques de Harper contre Radio-Canada.» (Si vous saviez qui était Mario Dumont! C’est un peu le Jean-Marie Le Pen du Québec),
- «M. Dagenais serait-il, encore une fois, pour toutes les magouilles , les corruptions et les collusions du PLQ afin de remettre au pouvoir, pour un quatrième mandat,un parti qui doit sortir avant le conclusion de la Commission Charbonneau ?» (Celui-là me trompait pour un partisan du Parti Libéral du Québec. S’il savait!)
Il y a eu d’autres commentaires, la plupart fort intéressants, mais je remarque surtout que, sur 13, un seul lecteur semble avoir compris réellement ce que je voulais dire:
«M. Dagenais, si je comprends bien vous nous dites que le professionnalisme n’existe pas dans le monde journalistique. Est-ce votre façon d’envisager votre future carrière? Donc, l’objectivité n’existe pas? Qu’en pense vos futurs collègues?»
Donc, je ne suis pas assez clair. Voilà peut-être un autre problème. C’est mon côté artiste.
Et puis, il y a une dernière chose qui me tracasse: j’ai l’air de m’intéresser à tout, mais en fait, je ne m’intéresse pas nécessairement à ce dont je parle, mais à ce que j’y vois, moi, derrière. Quand je parle de journalisme, c’est pour parler de vérité. Quand je parle d’amour, c’est pour parler de sens. Quand je parle de mes grands-parents, c’est pour parler de la mort (malheureusement). Quand je parle d’art, de voyage, c’est pour parler d’ennui. Quand je parle de Montréal, c’est pour parler de moi. De moi dans Montréal. De Montréal dans moi. En fait, Montréal Anyways, c’est un blogue sur moi. Moi, moi, moi…
Une amie, aussi journaliste, m’a déjà reproché de n’écrire que sur ce qui m’intéresse, d’être égoïste, de ne penser qu’à moi, et même dans la vie. Elle avait peut-être raison.
Mais en fait, j’en suis plutôt fier. Parce que c’est, au fond, le sujet que je connais le mieux. Le seul que je pourrai jamais connaître? Enfin, je crois que je le connais…. peut-être pas.
Mais je vous promets une chose: vous, quand vous me lisez, vous me connaissez vraiment.
Qu’est-ce qu’il disait Hemingway?
«You belong to me and all Paris belongs to me and I belong to this notebook and this pencil.»
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