Vive la bureaucratie!

25 avril 2013

Vive la bureaucratie!

Me voilà en Allemagne.

Je suis ici dans un programme d’échange avec la Humbuldt-Universität-zu-Berlin qu’on dit HU comme si on parlait à un cheval. Et vous vous en doutez, pour s’inscrire à la HU, il y a des tonnes de papiers à collecter chez des gens qui passent leur journée devant un ordinateur à faire des affaires très ennuyantes. Voici donc un article très ennuyant sur eux.

Premier arrêt : la HU où je suis accueilli par une citation de Karl Marx («Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde ; il faut désormais le transformer») pour me rappeller qu’on est ici dans l’ex-université de Berlin-Est vidée bien sûr de ses communistes de profs. C’est le bordel ici, des constructions partout, on se croirait en 1945, et il y a au bureau des relations internationales une dame qui parle pas vraiment anglais et une stagiaire qui traduit et je m’étais préparé, donc j’arrive tout simplement, et quand on me demande les papiers et tout et tout, je fouille dans mon sac et comme si de rien était, je leur demande s’ils ont soif et je sors du jus de rhubarbe. Il faut bien les nourrir ces gens-là.

Là-bas, on me dit que tout est en ordre, et cetera, je suis bel et bien inscrit et bienvenue et tout et qu’il ne me reste qu’à payer 230 euros pour la passe de métro. «Non, merci je prends le vélo.» «T’as pas vraiment le choix…» «Ah bon?» «Oui, c’est…» «… des frais cachés quoi?» «Non non, c’est les “frais semestriels“» «Mais je paye déjà les frais de scolarité au Québec.» «Au Canada? Ah, alors, c’est 280 euros.» «Comment ça?» «C’est comme ça.» Si je peux contribuer à la démocratie allemande…

«Ah! En passant, êtes-vous des liseurs de livres?» J’ai de la littérature aussi : Moby Dick, ça vous dit? Ou les poèmes choisis de William Blake ou encore John MacDonald, One Fearful Yellow Eye, c’est très bon ça, ou bien Dean Koontz, Intensity, un bestseller du New York Times. Allez, prenez les c’est gratuit. Bon, la dame lit pas l’anglais, mais la stagiaire tu les veux? Je te les offre. “Non merci : trop de trucs à lire pour l’uni“ «Allez!» «Bon, d’accord, ça sera le Moby Dick» Je lui récite le début : «Call me Ishmael. Some years ago – never mind how long precisely – having little or no money in my purse…»

Elle s’est rappelé d’un truc : comme nouvel habitant de Berlin, j’ai droit à 50 euros de la part de la ville. «Avant c’était plus», ajoute-t-elle. Merci Hermann Melville.

Deuxième arrêt : le Visa Service de la Humdolt-Universität où j’ai le choix, comme me l’apprend la jeune fille hyper sympa à qui j’ai parlé, soit de leur laisse mon passeport pour une période de 6 semaines ce qui est hors de question, soit de prendre un rendez-vous autour du mois de septembre donc juste après mon départ, soit de me présenter dans un autre bureau dans un quartier miteux de Berlin un lundi ou un mardi vers 5h30 du matin, et ça ne garantie rien du tout Dans tous les cas, c’est 110 euros. Ching. Ching. J’étais tellement content que je lui ai laissé entendre que son boulot était nul et elle m’a répondu: «T’as déjà rencontré des Nords-Coréens toi?» Ah oui, vu comme ça…

Troisième arrêt : le Bürgeramt pour inscrire mon lieu de résidence. Évidemment, là, on parle pas anglais, mais pour pratiquer mon allemand, c’est super! Surprise : aucun frais cachés nulle part. Inconsciemment, j’ai donc laissé mon tout nouveau smartphone sur la chaise où je m’étais endormi en attendant mon tour, et 30 minutes plus tard, lorsque je m’en suis rendu compte, et on m’accueille par un «Nice pictures!». Merde… Ils ont vu ça! Ouh la la… «Je reviens d’Afrique» «Et la fille c’est qui?» «C’est… hm… une amie. Elle parle très bien allemand, vous savez.» «Une noire qui parle allemand?» «Bah… ouais.»

Et le dernier arrêt mais non le moindre : le Teckniker Krankenkasse, c’est-à-dire l’assurance-maladie. Je pensais qu’il me suffisait de demander une exemption parce que j’ai déjà une assurance privée au Canada qui me couvre à l’étranger jusqu’à 5 millions, mais non, on est tellement gentil ici qu’on veut s’assurer que j’ai bel et bien une assurance ce qui veut dire qu’elle doit être allemande, au moins, c’est une belle grande blonde qui s’appelle Tanja Wunderlich ce qui veut dire «hors de l’ordinaire» qui m’accueille. «C’est combien?» «78 euros par mois.» «Et on te les prends directement sur ton compte si tu préfères. Comme ça, t’auras pas à te tracasser.» «C’est gentil.»

Alors les formalités : «Es-tu marié, as tu des enfants?» «J’aimerais bien.» «Ah bon, les Canadiens se marient jeunes?» «Non, mais je suis Québécois, on est un peu bizarre.» Elle m’explique que les Berlinois attendent habituellement la fin trentaine avant de faire des bébés. «À 30 ans, ils étudient encore.» «Mais c’est pas très santé ça.» «C’est pour ça qu’on existe.»

Puis j’attends, je signe des trucs, je lis même pas, de toute façon je comprendrais rien, on me donne des papiers qu’il faut que je donne à… je ne sais pas trop qui.

En tout cas, je me sens bien, ça faisait presqu’une heure que j’attendais déjà, je continuais ma lecture très lente de «A Farewell to Arms» en écoutant du Tallest Man on Earth. Et puis c’est très beau le TK : spacieux, beau design, on nous offre le café gratuit et on voit tout de suite que c’est un truc d’assurances et non pas un hôpital.

Bref, c’est fini et je la remercie de son petit cours sur la «pregnancy of Berliners».

Et j’ajoute, pour rire: «I’ll test that.»

Ça lui a pris trois seconde à comprendre. Puis, surprise : elle me jette, haletante, d’un regard qu’on comprend dans toutes les langues: «If you need help with that, I’m here.»

Quoi? J’ai bien entendu?

Bouche bée je suis.

«Oh, see you on Tuesday, right?»

Ah oui: je dois repasser là mardi pour payer les 78 euros par mois et aussi à la HU pour les 280 euros et les 110 pour le VISA et ça commence à faire 800 euros ça.

Ca fait cher un peu pour une blonde aussi hors de l’ordinaire qu’elle soit, trouvez pas?

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