No soy jinetera

Article : No soy jinetera
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2 janvier 2013

No soy jinetera

Il y a une publicité de Sunwing dans le métro le deuxième plus proche de chez moi que je prends souvent parce que le chemin pour s’y rendre est plus joli.

walk-beach

 

Une plage où se promène un jeune couple. Le gars a la chemise déboutonnée, pas trop laid, et la fille on l’imagine moche parce que des lunettes de soleil lui couvrent le visage. C’est écrit en gros : «Des vacances JUSTE POUR VOUS» sur fond d’eau turquoise qui n’est pas du tout photoshoppée (je le sais parce que l’eau à Cuba est vraiment de cette couleur là, j’y reviens tout juste). En bas dans le coin gauche, le logo d’un site web : autenticacuba.ca, mais je vous assure que le Cuba authentique, je suis le seul du million de Canadiens (500 000 Québécois) qui s’y rendent chaque année à l’avoir vu pour vrai.

S’il y a un million de Canadiens qui s’y rendent chaque année (et la moitié de Québécois, ce qui est significatif parce qu’on fait moins du quart de la population du pays), ce n’est pas parce qu’ils ont de la famille là-bas. Il y a à peine 10 000 Cubains au Canada tellement il fait froid l’hiver et justement c’est pour ça, c’est que le 27 décembre, j’ai manqué la plus grosse tempête de l’histoire de Montréal. Je ne sais pas combien de centimètres en une seule journée, mais beaucoup. (Bon O.K. : 45 centimètres!)

Non, ce n’est pas non plus pour voir le Cuba authentique: ça ils s’en foutent les Québécois autant que le Canada authentique (on aime mieux les montagnes Rocheuses), la France authentique (la Tour Eiffel que même moi j’aime bien) ou n’importe quoi d’authentique. Les Québécois ne vont même pas à Cuba pour l’eau turquoise, mais parce qu’ils ne se les gèlent pas (bien sûr) et pour se plaindre de la bouffe de merde dans les tout-compris.

Ils y vont aussi parce que c’est moins cher que d’aller en Floride (où habitent paradoxalement un million de Cubains) et d’ailleurs même moi c’est pour ça que j’y étais allé la première fois il y a deux ans. 298,13$ aller-retour Montréal-La Havane !

Cette fois-ci, c’était plus cher (deux fois plus cher), mais j’y allais pour autre chose : pour assister à Poesía Sin Fin, un festival de musique-théâtre-performance-cinéma organisé par des amis à moi, pour voir mon pote Miguel le roi de La Havane, sa mère que j’aime peut-être encore plus que lui, et, en secret (ne le dites pas à la fille de Génération Berlin), pour revoir cette fille qui m’avait refusé une date à l’hiver 2010 (Yunia qu’elle s’appelait).

– On va boire un verre si tu veux?

– Mais j’ai pas d’argent.

– T’inquiètes, je t’invite.

– Non, je suis pas une pute (jinetera en argot cubain).

– Je te le paye je te dis.

– Mais tu comprends rien toi !

Cuba, c’est un pays du tiers-monde qui fait comme si ce n’en était pas un. L’écrivain havanais P.J. Gutiérrez disait «cette île tropicale, à la fois naïve et prétentieuse».

Et ton voyage?

Je ne vous dirai rien de plus. Fermez les yeux. C’était ça, en mieux.

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Commentaires

bouba68
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interessant!bon courage, heureux de faire votre connaissance!

Serge
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Nicolas, ton style est incroyable. mais sur cuba, penses-tu aussi qu'ils sont prétencieux? pour vivre au Brésil depuis un moment je trouve que les latino sont en général naifs, parfois sournois, et profiteurs... mais en gros gentils. Pas de contradictions dans tout ça ça... mais je supose que tu le sais.

Nicolas Dagenais
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Merci! La prétention à Cuba, comme l'entend Gutiérrez, je crois que c'est beaucoup celle de réinventer (voire nier) la nature humaine pour la rendre moins centrée sur soi. Ce n'est pas seulement un trip de Fidel Castro. Je suis allé à Cuba à deux reprises et je n'ai pas rencontré un seul Cubain qui ne soit pas au moins un peu socialiste, y compris parmi l'opposition. J'aimerais bien écrire un livre sur Cuba et, malgré ses nombreux défauts, je l'intitulerais «Solidarité». Mais il faudra enquêter davantage. Pour l'instant, comme tu as pu le remarquer, je me suis gardé une petite gêne.

serge
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je trouve que d'une certaine façon tous les latino-américains sont bolivaristes, même l'opposition comme tu dis. Au Brésil c'est pareil, la droite n'ose pas dire qu'elle est de droite (c'est moralement inacceptable... ).
Après 5 ans ici, tu deviens forcément un "socialiste", disons que je regarde d'un autre les valeurs libérales comme la méritocratie.

excellent titre pour le livre.
je rève aussi d'aller à cuba
tu connais ce boxeur cubain décédé déjà?

https://www.20minutes.fr/sport/951673-boxe-deces-legendaire-cubain-teofilo-stevenson