No soy jinetera
Il y a une publicité de Sunwing dans le métro le deuxième plus proche de chez moi que je prends souvent parce que le chemin pour s’y rendre est plus joli.
Une plage où se promène un jeune couple. Le gars a la chemise déboutonnée, pas trop laid, et la fille on l’imagine moche parce que des lunettes de soleil lui couvrent le visage. C’est écrit en gros : «Des vacances JUSTE POUR VOUS» sur fond d’eau turquoise qui n’est pas du tout photoshoppée (je le sais parce que l’eau à Cuba est vraiment de cette couleur là, j’y reviens tout juste). En bas dans le coin gauche, le logo d’un site web : autenticacuba.ca, mais je vous assure que le Cuba authentique, je suis le seul du million de Canadiens (500 000 Québécois) qui s’y rendent chaque année à l’avoir vu pour vrai.
S’il y a un million de Canadiens qui s’y rendent chaque année (et la moitié de Québécois, ce qui est significatif parce qu’on fait moins du quart de la population du pays), ce n’est pas parce qu’ils ont de la famille là-bas. Il y a à peine 10 000 Cubains au Canada tellement il fait froid l’hiver et justement c’est pour ça, c’est que le 27 décembre, j’ai manqué la plus grosse tempête de l’histoire de Montréal. Je ne sais pas combien de centimètres en une seule journée, mais beaucoup. (Bon O.K. : 45 centimètres!)
Non, ce n’est pas non plus pour voir le Cuba authentique: ça ils s’en foutent les Québécois autant que le Canada authentique (on aime mieux les montagnes Rocheuses), la France authentique (la Tour Eiffel que même moi j’aime bien) ou n’importe quoi d’authentique. Les Québécois ne vont même pas à Cuba pour l’eau turquoise, mais parce qu’ils ne se les gèlent pas (bien sûr) et pour se plaindre de la bouffe de merde dans les tout-compris.
Ils y vont aussi parce que c’est moins cher que d’aller en Floride (où habitent paradoxalement un million de Cubains) et d’ailleurs même moi c’est pour ça que j’y étais allé la première fois il y a deux ans. 298,13$ aller-retour Montréal-La Havane !
Cette fois-ci, c’était plus cher (deux fois plus cher), mais j’y allais pour autre chose : pour assister à Poesía Sin Fin, un festival de musique-théâtre-performance-cinéma organisé par des amis à moi, pour voir mon pote Miguel le roi de La Havane, sa mère que j’aime peut-être encore plus que lui, et, en secret (ne le dites pas à la fille de Génération Berlin), pour revoir cette fille qui m’avait refusé une date à l’hiver 2010 (Yunia qu’elle s’appelait).
– On va boire un verre si tu veux?
– Mais j’ai pas d’argent.
– T’inquiètes, je t’invite.
– Non, je suis pas une pute (jinetera en argot cubain).
– Je te le paye je te dis.
– Mais tu comprends rien toi !
Cuba, c’est un pays du tiers-monde qui fait comme si ce n’en était pas un. L’écrivain havanais P.J. Gutiérrez disait «cette île tropicale, à la fois naïve et prétentieuse».
Et ton voyage?
Je ne vous dirai rien de plus. Fermez les yeux. C’était ça, en mieux.
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