Se laisser parler d’amour

18 mai 2013

Se laisser parler d’amour

C’est un truc que j’avais absolument adoré à Cuba: on ne célèbre pas Noël, ou presque pas. Les serveurs dans les restaurants touristiques portent un chapeau de Père Noël ridicule, mais c’est tout. Sinon c’est un jour férié je crois dans la fonction publique (donc presque tout le monde), alors on boit la veille, mais des cadeaux, pas vraiment. Pas d’argent pour ça, et puis la religion sous Fidel, c’était pas très bien vu, tout comme Coca-Cola, l’inventeur du Père Noël moderne. Pas de Feliz Navidad et ça fait du bien.

Tout comme pour moi, à peu près pour les mêmes raisons, je ne célèbre pas ou presque pas mon anniversaire, je ne me «laisse pas parler d’amour» comme dans la chanson que les Québécois, en 1975 et donc un an avant l’élection au Québec du premier parti indépendantiste, ont adoptée pour ne pas chanter «Happy Birthday déguisé en Français».

C’est un peu aussi le concept de gang que je n’ai jamais aimé. Je n’ai pas de gang. J’ai des amis, éparpillés, de très bons amis même, mais pas de groupe d’amis, du moins depuis que je n’ai plus de groupe de musique. Je n’y crois pas, je suis plutôt de l’avis de Brassens: «Quand on est plus de quatre, on est une bande de cons.» Alors l’idée de rassembler une vingtaine de personnes qui ne se connaissent pas, et surtout ici à Berlin, que moi-même je connais presque pas… très peu pour moi. Offrez-moi plutôt une bouteille de vodka.

Et puis historiquement parlant, ça fait du sens. La tradition de l’anniversaire provient des Grecs comme à peu près tout sauf qu’à l’origine, on ne se fêtait pas soi-même mais on fêtait, chaque année le jour de sa naissance, son «daemon» pour s’assurer qu’il continue à nous protéger. Les Chrétiens (au Moyen-Âge, seulement les nobles se le permettaient) et encore aujourd’hui les Témoins de Jehovah ont même tenté d’éradiquer cette tradition paienne, et chez les Chrétiens Orthodoxes (communément appelés les «communistes) on célèbre encore plutôt la fête du saint dont on porte le nom. Moi c’est le 6 décembre.

Non, franchement, c’est juste du capitalisme le concept d’anniversaire, cette idée de ne célébrer qu’une journée par année pour «mieux» travailler les autres, mais cette journée là, évidemment, dépenser à fond, et le «Happy Birthday», on ne se demande pas d’où il vient, des États-Unis évidemment, et il y a même un copyright là-dessus… jusqu’en 2030!

Moi je préfère 100 fois «The Unbirthday Song» dans Alice’s Adventures in Wonderland où on dit: « Now, statistics prove, prove that you’ve one birthday/ Imagine, just one birthday every year/ Ah, but there are three hundred and sixty four unbirthdays! »
C’est ce que je propose moi aussi: qu’on fête tous les jours sauf le jour de son anniversaire, et comme dans la chanson, qu’on célèbre avec une tasse de thé, ou quelque chose de simple. C’est du Nietzsche ça en fait, mais je ne vous dis pas pourquoi. Il faudra bien le lire et le relire un jour, lui, et pourquoi pas le jour de votre anniversaire?

Alors chantez avec moi:

«Mon cher Nico, c’est-a ton tour, de te laisser parler d’amour…», mais pas d’amour de moi, d’«amor fati», l’amour du destin ou si vous voulez l’amour d’une vie d’ennui infini.

C’est déprimant vous trouvez?

Ça veut juste dire la sérénité et c’est ce que je vous souhaite, chers lecteurs, pour votre non-anniversaire.

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Commentaires

salma Amadore
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venant de toi ça ne m'étonne pas Joyeux non-anniversaire cher Nico

Limoune
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Excellent ! Enfin, un point sur lequel on se rejoint. Le concept de non-anniversaire et tu l'as très bien formalisé. Danke