Comment on dit «hipster» en Serbo-Croate?

9 mai 2013

Comment on dit «hipster» en Serbo-Croate?

C’est situé dans mon ancien quartier – le Schillerkiez comme «chiller» – sur une rue qui s’appelle Selchower comme «show off» où se trouvent aussi une friperie vintage et un vynil shop. Le truc trop, trop hip! En fait, non, le Schillerkiez n’est hip que pour ses résidents, c’est-à-dire que oui, les gens sont très cool là-bas mais finalement ils n’ont aucune culture et rien à dire, vous le voyez dans leurs yeux et vous savez le genre de gens habillés vintage qui détournent la tête quand on leur adresse un sourire. Voilà.

Mais je cherchais des lieux littéraires à Berlin et celui-là a ouvert le 22 juillet 2012, c’est-à-dire le jour-même d’un cambriolage chez moi à trois rues de là, je voulais vérifier s’ils n’avaient pas mes Fleurs du Mal version mi-Français mi-Allemand. Alors j’entre et qu’est-ce que je vois?

Non, pas mon livre, mais un hipster: un vrai de vrai, avec les cheveux et les pantalons trop courts et tout. Quelle surprise!

Le nom : Panoq ou Taquod our Quepod en tout cas, c’est comme le baleinier dans Moby Dick, enfin un nom un peu nul même si le livre est aussi bien écrit qu’impossible à terminer pour un ADD comme moi, mais le concept m’a attiré – et un signe sur la porte: «Nein, hier wird kein Elefantenfutter verkauft» (je vous laisse traduire) – le concept c’est-à-dire une librairie internationale, avec des livres en plus d’Allemand et Anglais, en Danois, Turque, même Chinois et… en Français. Je suis ressorti là-bas avec 9 livres et une facture de 31 euros.

Vous avez bien compris, à 3 euros le livre, le hipster achète des livres de clients (1 euro) ou sur internet et les revend trois fois le prix comme toujours, mais à ce prix là, c’est très raisonnable et rien à plus de 6 euros et où ailleurs trouver des livres français à Berlin, quoiqu’on m’ait parlé un jour d’une librairie française à Berlin qui s’appelerait Zadig, évidemment comme le Voltaire, Zadig vous savez qui vient de l’Arabe («saddyq»=le véridique) et de l’Hébreu («zadik»=le juste) et non pas de «sadique» et d’ailleurs il y a là-dedans une phrase très «saddyq»: «Il n’y a point de mal dont il ne naisse un bien.»

En tout cas, on n’a pas à se plaindre de la section française du Quatod. Une bibliothèque pleine à rebords de classiques surtout, mais aussi d’assez bons livres de la fin 19e début 20e. J’ai mis la main sur Carmen et treize autres nouvelles de Mérimée, un gros roman d’Aragon, un petit de Simenon, deux moyens de Daudet et Cendrars, et quand même, dans le genre je-ne-regrette-pas-du-tout-mon-achat un recueil de poésie de Houellebecq (La Poursuite du Bonheur) et un livre humoristico-philosophique de Stendhal intitulé «De l’amour», titre pompeux sur les bords mais pas du tout du tout du tout…

(Et je vous dis mon truc de sélection: c’est pas trop long et ça vaut la peine. Chaque auteur qui ne m’indiffère déjà pas et surtout ceux que je connais pas, je prends de lui un livre au hasard, je l’ouvre au milieu et je lis deux, trois, quatre phrases des fois une page, et si ça me fait rire ou battre mon cœur, je le mets de côté, puis quand le libraire me regarde en se demandant si je vais acheter quelque chose ou si je fous simplement le bordel, je les prends un à un et je lis la première page et si ça me donne envie de lire la suite, par exemple le Stendhal : «L’immense majorité des hommes, surtout en France, désire et a une femme à la mode, comme on a un joli cheval…», je prends.)

J’ai aussi pris Ainsi Parla Zarathoustra de Nietzsche parce que j’ai oublié le mien à Montréal, et il y avait deux traductions, une des 1970s que l’auteur rendait tout à fait comestible et une autre des 1990s dans le respect très peu nietzschéen mais absolu de l’Allemand original, j’ai pris la première mais qu’en pensez-vous, vous? J’ai lu hier cette phrase du traducteur brésilien Haroldo de Campos qui dit «La traduction comme transfusion. De sang. Ironiquement on pourrait parler de vampirisation, en pensant cette fois-ci à la nutrition du traducteur»… et je ne sais plus quoi penser. C’est comme les 72 houris promises au paradis des musulmans. On traduit par vierges ou raisins blancs les gars? Ils ont choisi vierges. J’ai fait la même chose.

Côté Anglais, c’était un peu décevant en tout cas en ce qui me concerne pas d’Hemingway et côté Allemand je ne lis pas encore, mais pas de Nietzsche… mais bon, malgré l’absence de mes deux auteurs favoris, ce que j’ai trouvé très bien, c’est qu’il y avait des livres en une dizaine de langues européennes y compris une grosse étagère de livres en Polonais et j’ai pris un dictionnaire Anglais-Polonais pour Manon qui part au Far-Est ce weekend.

Et parlant de Pologne, vous connaissez Manaam? Eh bien c’est un groupe polonais et ils trouvent que le Français, c’est bizarre même que dans leur chanson French is strange, ça dit «Francuska milosc, francuska glina/ Markiz de Sade i gilotyna/ Zaby slimaki i Tom Eifele / Jean Paul Sartre na Montmartre.» Vous comprenez? C’est drôle, moi aussi.

Revenons à nos baleines.

Il y avait même là une section intitulée «Andere» (autres) et j’y cherchais un livre en Serbe pour Mirjana, mais je ne sais pas du tout à quoi ça ressemble ça, le Serbe.

Je vérifie et j’y retourne.

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