L’amitié

12 avril 2013

L’amitié

J’ai vu le monde, des dizaines de villes, et franchement, pour moi, c’est du pareil au même. C’est-à-dire que je n’ai pas ressenti de différences. Vu, entendu, senti, oui…

… mais ressenti: non.

On me demande: «Comment tu trouves Dakar?» «Bah, comme d’hab’ quoi!»

Pourtant, pour la première fois de ma vie, ici à Dakar, j’ai parlé à des musulmans. Pour vrai. «Dites donc, l’alcool, vous êtes alergiques ou quoi?» Je me suis permis parce que le politically correct, les Africains ne connaissent pas et moi non plus d’ailleurs. Vous savez, on a déjà appelé les Québécois les Nègres Blancs d’Amérique, et je ne me réclame pas de la négritude comme ne se réclament plus d’ailleurs les hipsters locaux que j’ai rencontrés aux Petites Pierres, mais je me réclame de l’Afrique. Oui, oui. Je suis, moi aussi, africain.

J’avais fait la blague à Ziad – c’est notre genre de marabout au Mondoblog – en arrivant à l’Aéroport Léopold Ségar Senghor. «Tu sais que j’ai des ascendants africains moi!»

Il m’avait cru une seconde. Mais finalement, c’est vrai.

Enfin, selon Cheikh Anta Diop, qui a donné son nom à l’université qui a été notre université cette semaine les 51 autres blogueurs et moi, à deux pas de chez Senghor justement. C’est Boubacar le Malien qui me disait ça hier midi, après m’avoir expliqué que Jésus s’appelait en fait Îsâ dans le Coran. On lunchait justement à l’université. C’était pour une millième fois du riz et du poisson et on plaignait les boursiers qui faisaient la queue au soleil pour réclamer leurs 60 000 FCFA (120$) par mois. Le soleil tapait à 27 C. Les Maliens grelottaient, eux qui sont habitués aux 40 sur zéro de Bamako.

Donc voilà, pour Diop et les diopistes ou les cheikhantaistes: en gros que l’Afrique est la mère de toutes les nations. Du genre: les pyramides, c’était nous les boys and girls!

Bon.

J’aime bien, mais j’ai une meilleure théorie qui me vient de Michael Jeissmann, le directeur un brin anarchiste de l’Institut Goethe à Dakar que j’ai visité trois fois parce que la vue et le wifi et le café sont les meilleurs en ville. (En passant, je ne suis pas objectif avec lui: M. Jeissmann a vu Can en concert à Münster en 1974. Je bave.)

La théorie, c’était ça : les nations, fuck that shite (veuillez prononcer à l’écossaise).

Bon, quand même, directeur oblige, dans sa bouche à lui, ça sonnait plutôt comme ça: «Les différences de culture, franchement, qu’est-ce que ça veut vraiment dire?»

«Vous savez que Senghor a appris l’Allemand dans une prison nazie en 1942?»

Senghor a lu Goethe, lui a piqué son idée de Weltliteratur, l’a transformé en «Civilisation de l’Universel» et la négritude, c’était, en vrai, ça: la fierté mais pas trop eh les enfants!

Alors voilà. Voilà aussi mon grain de sel dans le débat du multiculturalisme, moi qui, comme Damon Albarn, crache sur Elizabeth II tout en frenchant une Torontoise: fuck l’amitié entre les «cultures», vive l’amitié tout court! Non mais c’est vrai. L’amitié entre deux pays, c’est n’importe quoi. Avez-vous déjà vu deux pays se consoler, vous?

Tandis que tous les mondoblogueurs l’admettront: en quelques jours, on est devenu tous meilleurs amis et ça durera.

On a parlé de polygamie. Les avis étaient partagés. Vous vous rendez compte?

Et pourtant, il y a un langage qu’on partage tous et ce n’était même pas le français, ce langage on le partage même avec les Alaskiens et les Hollandais, c’est l’humour.

C’est Raphaelle – la stagiaire de L’Atelier des médias – qui a fait le meilleur gag:

«Tu veux manger riz, mon chéri?»

Voilà mon idée pour sauver le monde: l’humour, l’amitié et les Africains de l’Ouest ont une très belle façon de jumeler les deux. Ça s’appelle le «cousinage à plaisanterie».

Ça consiste, en gros, à se lancer à la figure, entre ethnies, les pires clichés racistes.

Et de sourire ensuite…

Je rigolais, mon ami.

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Commentaires

Mylène
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Je suis vraiment ravie d'avoir fait ta connaissance à Dakar, car je te lis tes billets depuis un moment. En fait, j'apprécie beaucoup ton côté un peu "barré". Et je te retrouve dans ce texte. C'est bien écrit, drôle et pertinent.

Nicolas Dagenais
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«Barré»: quelle expression étrange! Mais en effet, l'anti-nationalisme a toujours été barré du débat politique au profit du nationalisme et du multiculturalisme. «Ansamn», c'est le mot qu'il nous faut!

Mylène
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Pas mal, la réponse. Ah ah...

Serge
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Finalement t'est très sensible toi...

Nicolas Dagenais
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Ouais. Un sensible qui ressent pas ;)

William Bayiha
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Ni-co-las. T'es un puriste même si tu le nie. ça se voit à travers ton style.

Nicolas Dagenais
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J'essaie même pas, j'te jure!

Florian Ngimbis
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T'es qu'un raciste narcissique qui déteste les villes des autres!
heu... je rigolais mon ami.
J'adore tes billets cousin :)

Nicolas Dagenais
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Raciste à 100%! Moi c'est les Luxembourgeois qui m'énervent. Et toi?